Ce que disent leurs mains : Marcel Prévost

Article paru dans L’Intransigeant du 23 juillet 1925 :

CE QUE DISENT LEURS MAINS

M. MARCEL PRÉVOST
de l’Académie française

La véritable puissance est toujours calme. Lorsqu’on se sent fort, c’est un luxe que se permettre d’être doux. La main de M. Marcel Prévost est un exemple de plus à l’appui de ce truisme.
Le trait caractéristique de cette paume signée de Mars et de Lune, et pourvue d’un pouce magnifique, est un vouloir diplomatique et persévérant qui ne fléchit jamais. Main de fer dans un gant de velours, elle est consciente de sa force, et pour cela même, malgré une grande indépendance intellectuelle et volitive, elle témoigne une préférence marquée pour les « solutions huilée » comme le dit si bien l’auteur dans Sa maîtresse et moi.
Tout s’y trouve admirablement maîtrisé après beaucoup de peines il est vrai, puisque c’est une main très riche au point de vue passionnel. Ses colères, auxquelles il fut prédisposé dès l’enfance, M. Prévost ne les exprime que s’il le juge utile et convenable… Son courage est défensif plutôt qu’agressif. Il serait prodigue naturellement, la réflexion et l’expérience l’ont rendu simplement compatissant et généreux, de même qu’ils lui ont fait refouler la susceptibilité excessive dont le ciel l’a doté. Le doute – ce doute presque morbide qui doute de tout et voire de lui-même – il s’y abandonne quelquefois sans cependant se laisser jamais commander par lui. Sa sensibilité absolue et exigeante dans ses affections, vibrante au moindre stimulus comme un violon de Crémone, est néanmoins, dans ses manifestations extérieures, réservée et orgueilleuse. Ses joies et douleurs, ses sympathies et ses haines, il les cèle même à qui les inspire, fidèle à la modération aristocratique qui préserve du ridicule.
D’autre part, le nœud philosophique, ornant des doigts aux tendances pointues, lui donne cet esprit mathématique et positiviste qui, chez lui, doit lutter avec des affinités mystiques.
Son intelligence souple, éternellement jeune, est ouverte à toutes les idées nouvelles ; et dans cette main il est un fait digne de remarque : c’est que les principes de M. Marcel Prévost, sévères à l’origine, ont évolué et évolueront continuellement, même à un âge où la plupart des hommes cristallisent leur bagage intellectuel et affectif et s’ensevelissent dans la quiétude de leurs vieux préjugés.
Mais sa faculté dominante qui, elle, ne peut être ni endiguée ni arrêtée dans son cours normal par nul effort, c’est l’imagination ; une imagination fastueuse, élégante, curieuse, universelle, qui s’exerce dans tous les domaines et dont l’énergie cosmique est capable de révolutionner ciel et terre en une heure. Il s’en garderait toutefois, car il respecte la sagesse populaire.

Maryse Choisy

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