Ce que disent leurs mains : Henry Bérenger

Article paru dans L’Intransigeant du 24 août 1925 :

CE QUE DISENT LEURS MAINS

M. HENRY BÉRENGER

M. Henry Bérenger est un Mercurien. Il en possède tout le raffinement et toute l’habileté sans en avoir les défauts, ce qui est plus rare qu’on ne pense. Son pouce flexible, mais sans excès, grand, admirablement proportionné, indique une volonté ferme, calme, mûrement réfléchie, sobre, digne, patiente, qui agit doucement et cependant sûrement, sans impulsion, sans faux mouvements, toujours honnête dans sa souplesse, fidèle à l’adage d’outre-Manche : « Honesty is the best policy ». Main de diplomate plutôt que d’homme politique, elle présente cette qualité quasi-introuvable : l’adresse scrupuleuse.
Une intelligence souple et adaptable qui lui confère le don d’une diversité du « moi », d’une multiplicité de personnalités, comme le témoigne la ligne de tête terminée en fourche. Une sensibilité profonde et délicate et dont certaine emprise menaça sérieusement la carrière de M. Bérenger entre trente-sept et quarante ans, ainsi que le corroborent d’ailleurs la ligne de cœur, la saturnienne et les lignes d’unions. Un scepticisme ironique tempéré par des attirances mystiques qui en se combattant empêchent la certitude positive, voire négative. Un doute poussé quelquefois jusqu’à la morbidité, et néanmoins maîtrisé. Une irritabilité naturelle parfaitement dominée. Une riche vitalité ; des sens refoulés et subtilisés par une imagination tourmentée ; des nerfs vibrants comme un violon de Crémone. Un goût éclectique et impeccable, et (à en juger d’après le nœud raisonneur de l’annulaire) brillant dans le domaine esthétique par la critique plutôt que par la création. Un sentiment des proportions bien développé, un raffinement dans la culture, dans l’observation, dans l’affectivité et dans les impressions. Une indépendance de pensée et d’action que la sapience de diplomate se défend d’afficher. Une énergie d’activité qui vers la quarantaine (38 ans) évolue et se résout en contemplation. Une discipline constante, sage et discrète.
Tels sont les traits caractéristiques que nous lûmes dans la main de M. Bérenger et qui symbolisent cette catholicité du goût, cette universalité de culture, ce dilettantisme mercurien et cette modération qu’on ne rencontre que dans les vieilles civilisations.

Maryse Choisy

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