1968 : …Mais la terre est sacrée

Publié en 1968 aux Éditions du Mont-Blanc.
282 pages.

Quatrième de couverture

 

Table des matières :

CHAPITRE PREMIER : PRÉLUDE SUR QUATRE THÈMES

1. La minute de liberté
2. Reconnu quand il n’est plus là
3. Face au vent
4. Ça ne peut pas durer
5. Histoire idiote
6. La science honteuse
7. De profundis
8. Le chaos actuel
9. Que faire de la liberté ?
10. Épater le marxiste
11. Où est le sacré ?
12. Si Dieu est avec Marx…
13. Combat avec l’ange
14. Je feins d’être Maryse Choisy
15. Pourquoi la Terre ?
16. Le numineux
17. Un nouveau phylum ?

CHAPITRE DEUXIÈME : LE LANGAGE ET SES MYTHES
1. Psychanalyse de Dieu
2. Les organisateurs du chaos
3. Le corps glorieux
4. Partout le Verbe
5. Les logoï
6. Et Dieu dit
7. Fiat Lux
8. Le rapport son-lumière
9. L’ouverture du troisième œil
10. Dégradation du sacré
11. Le mana et le surnaturel
12. Le sacrifice des mots
13. Le dynamisme du mana
14. Le symbole lui-même
15. Définitions réductrices
16. Les archétypes de C. G. Jung
17. L’allégorie de la bourgeoisie bachotée
18. Le mythe de la démythisation
19. Le langage est un hareng vert
20. Les rêves du dessus
21. Tout rêve conté est un mensonge
22. Pour la psychanalyse le rêve conté suffit
23. Le rêve du lion et des éditeurs
24. Au métaphysique appartient la grammaire
25. La décadence insolente
26. Moi, je…
27. Pourquoi ce style et non un autre ?
28. Les reflets des reflets

CHAPITRE TROISIÈME : L’INCONSCIENT PRÉBIOGRAPHIQUE
1. Le paradoxe de la connaissance
2. L’ambiguïté du mot connaître
3. La mauvaise foi
4. L’inconscient refoulé
5. L’école structuraliste contre Freud
6. Les rapports interénergétiques
7. Ce qui ne fut jamais refoulé
8. Mémoire prénatale
9. La réminiscence
10. Les eaux du Léthé
11. Histoire chinoise
12. L’ange déchu qui se souvient des cieux

CHAPITRE QUATRIÈME : LES EXIGENCES DE L’INCONSCIENT PRÉBIOGRAPHIQUE
1. Notre destin
2. Le besoin d’adoration
3. Dis-moi qui tu adores
4. La décadence du héros
5. Les mythes des Crépuscules
6. La déformation de certains teilhardiens
7. Le roman policier
8. Objection du psychanalyste
9. Qui se ressemble s’assemble
10. La résonance prébiographique
11. L’ambivalence devant la mort
12. Communion cosmique
13. La parole perdue
14. L’exigence du bonheur
15. L’instantanéité immortelle
16. L’éternel présent
17. Épicure et le Zen
18. La conscience du Tout
19. La vocation
20. L’œuvre
21. L’embarras du choix
22. Le rendez-vous de Samarcande
23. La conversion est la métamorphose primordiale
24. Le drame de la science
25. Le cloisonnement des sciences
26. Les malheurs de la raison
27. Les ambivalences d’un athée
28. Les physiciens sont plus ouverts
29. Les hologrammes
30. L’organisateur spirituel
31. Le refoulement des exigences prébiographiques
32. Le mythe du progrès
33. Pourquoi meurt le Seigneur de l’Inconscient ?

CHAPITRE CINQUIÈME : LA VIE A TRAVERS SES MÉTAMORPHOSES
1. Loi n° 1 : Vivre
2. Agressivité et sexualité
3. Le sacré dans l’agressivité
4. Ma plus vieille question
5. La confidence de Freud à Jung
6. Adoration et sexualité
7. Ma théorie sur la Vie
8. L’Énergie Primordiale dans ses dégradations
9. Les métamorphoses
10. Première métamorphose : l’ouverture
11. Deuxième métamorphose : la capacité d’aimer
12. Le tantrisme
13. Le serpent et la lumière cohérente
14. Le champ de forces de la kundalini
15. Les niveaux de conscience
16. Les inconvénients du tantrisme
17. Troisième métamorphose : l’initiation
18. Quatrième métamorphose : la chasteté
19. Déplacement et sublimation de la libido
20. L’amour du couple
21. L’échec des associations libres
22. La tentative de Proust
23. La « sommation » du temps
24. Pourquoi sommation ?
25. Cinquième métamorphose : l’expérience de la mort
26. Sixième métamorphose : l’ineffable union avec l’Absolu
27. Psyché-Pneuma-Atman
28. A chaque instant les talents reçus

CHAPITRE SIXIÈME : HYPOTHÈSE (HARDIE ?) SUR LA GENÈSE PNEUMO-PSYCHOMATIQUE DU CANCER
1. Objection cartésienne
2. La morale des talents reçus
3. Mon hypothèse sur le cancer
4. Psyché signifie papillon
5. Théories actuelles sur le cancer
6. La rigidité
7. Profil du cancéreux
8. La maladie de la séparation
9. Recherches psychosomatiques sur le cancer
10. Le mystère des métastases
11. Le conflit psychosomatique
12. Le mystère des guérisons spontanées
13. L’oralité frustrée
14. Le rectum, base de la kundalini
15. Cancers sexuels
16. Cancer du sein
17. Cancer des surrénales
18. Cancer du pancréas et cancer du foie
19. Cancer des poumons
20. Cancer de la gorge, du larynx, de la bouche, de la thyroïde
21. Cancer des fonctionnaires anglais dans l’Inde
22. Cancer des psychanalystes
23. Le cancer de Ramakrichna
24. Le cancer des os
25. Le cancer de Ramana Maharshi

CHAPITRE SEPTIÈME : TOUTES LES RÉVOLUTIONS SONT DES ÉCHECS
1. Combat contre le chaos
2. Le projet de Dieu
3. Le mal, c’est le chaos
4. Le péché originel
5. Caïn et Seth
6. Les fils de Caïn
7. Mythes de la chute
8. Les fils de Seth
9. La race des Sauveurs
10. L’ange de l’œuvre de de chair
11. La lignée Caïno-industrielle
12. Le démon de Maxwell est un ange
13. La lutte psychologique contre le chaos
14. Temps et espace du schizophrène
15. Encéphalogrammes en quête d’interprétation
16. Les hors-la-loi dans le désert
17. Les angoisses
18. Pourquoi changer ?
19. La liberté s’ouvre sur le chaos
20. La lente marche des idées neuves
21. L’angoisse de l’homme seul
22. L’expérience des rats
23. D’une mini-jupe en retard
24. La Justice et la Grâce
25. L’hypocrisie des morales conformistes
26. Non-violence tibétaine
27. Mythes et Migs
28. La Révolution des évêques, des gendarmes et des duchesses
29. A tous vents
30. Le Méphisto de la jeunesse
31. L’adaptation au réel
32. Le syncrétisme freudo-marxiste de Marcuse
33. A la recherche du bonheur
34. Le destructeur
35. Les assassins de la foi
36. Qu’est-ce que la révolution ?
37. Toutes les sociétés deviennent mauvaises
38. La révolution violente est un échec

CHAPITRE HUITIÈME : ABEILLE OU PAPILLON ?
1. Professeurs, vous nous faites vieillir
2. Chaostropismes
3. Que veulent les étudiants ?
A. Conditions générales
4. Les jeunes s’ennuient
5. La destruction est une fin
B. Les mobiles qui s’avouent
6. Actions psychologiques et complots
7. Justes, leurs revendications
8. La confusion des idées politiques
9. L’ambivalence des étudiants
C. Motivations inconscientes
10. La dédramatisation
11. La mort du père
12. Le complexe d’Aristote
13. Le complexe de Prométhée
14. La culpabilité du parricide
15. Les mandarins ont trahi
D. Frustrations spirituelles
16. Les exigences prébiographiques collectives
17. Cancer ou révolution ?
18. Les signes précurseurs du retournement
19. Dialogue avec un de mes élèves
E. Conclusions
20. Pourquoi la non-violence échoue-t-elle ?
21. Le psychiatre et le fou armé
22. Le bénédictin et l’alcoolique
23. Aimer le non-aimable
24. La réponse de l’abeille
25. La réponse du papillon
26. Les dix justes
27. La part du projet humain
28. Une bouteille à la mer
29. Quand on a choisi le papillon

APPENDICE : QUESTIONNAIRE

NOTES

Le livre et la critique :

  • Gaston Fessard in Le Monde, 27-28 avril 1969, p. 16 :

Pourquoi la révolte des étudiants en mai ? Soubresaut superficiel qu’explique assez la sclérose d’une Université impuissante à se réformer et à faire face à la monté démographique ? Ou crise d’une civilisation matérialiste dont les sociétés de consommation sont incapables, à l’Est comme à l’Ouest, de fournir aux jeunes les raisons de vivre que leur générosité appelle ? Ces questions ont déjà suscité une abondante littérature, mais qui se maintient presque toujours au ras de l’actualité journalistique.
Maryse Choisy ose, au contraire, survoler de très haut les péripéties du quotidien pour mieux pénétrer les raisons profondes d’un « malaise de la civilisation », devenu aujourd’hui plus patent que jamais. Pour autant, elle est bien loin de nier les racines matérielles et proprement charnelles. Disciple et amie du Père Teilhard qui la ramena à la foi de son enfance, elle pense avec lui que l’Être est constitué par une étoffe telle que l’Esprit qui unit émerge toujours de la Materia Matrix. En outre, c’est une freudienne de vieille date, comme le prouvent l’Anneau de Polycrate (1948) et le Scandale de l’amour (1954) sans parler de l’influence exercé par Psyché à l’époque où l’Eglise gardait devant la psychanalyse, pas encore en vogue, une réserve prudente sinon hostile. Aussi sait-elle depuis longtemps observer le jeu dialectique de la sexualité et de l’agressivité, qui gouverne d’autant mieux l’impétuosité des adolescents qu’ils se croient plus affranchis de toute loi, plus maîtres de l’avenir grand ouvert devant eux. Derrière tant d’assurance, elle discerne en fait l’angoisse mortelle des libertés sans espoir, fruit spécifique d’une « frustration spirituelle ».

« L’inconscient prébiographique »

Autrefois, Freud lui-même nommait « puissances célestes » ces pulsions fondamentales qu’il découvrait à la racine de notre affectivité. Mais comment son matérialisme scientiste, hérité du XIXe siècle, lui aurait-il permis d’en comprendre tant l’origine que la fin véritables ? Délivrée d’un pareil préjugé, Maryse Choisy les rattache à ce qu’elle appelle aujourd’hui « L’inconscient prébiographique ». Par ce dernier terme, emprunté à Martin Buber, elle entend, si je ne m’abuse, se situer entre Freud et Jung pour les réconcilier. A ses yeux, en effet, ce lien entre sexualité et agressivité joue le rôle d’un « organisateur du chaos des instincts » ; à ce titre, lui aussi peut être victime d’un refoulement dont les effets pathologiques se manifestent au niveau de la société comme de l’individu. Car, en tant précisément qu’ « organisateur », il a des exigences qui, insatisfaites, ne manquent pas de se venger sur le plan même de l’existence : « Le besoin d’adoration, la quête de la parole perdue, le fiat lux dans nos sens subtils, la vocation, l’intégration des moi en guerre, en un mot, le bonheur. » Ainsi à l’heure où le cliché de la « mort de Dieu » entraîne jusqu’à des théologiens dans une entreprise de désacralisation, le titre même de cet ouvrage nous rappelle l’universalité du sacré.

« Le langage des mythes »

A l’appui de ses vues, Maryse Choisy ne manque pas d’armes. De bonne heure initiée au sanscrit et aux philosophies de l’Orient, puis devenue familière de l’hindouisme grâce à plusieurs séjours dans les ashrams de Bénarès, elle excelle à tirer parti des disciplines et des légendes de ce « musée des religions », pour décrire les métamorphoses de l’ascension que « l’inconscient prébiographique » exige de qui veut parvenir à la vie véritable ou seulement s’en approcher. Guidée par ses dons de poète, elle interprète comme en se jouant « le langage des mythes », celtes et latins, grecs et juifs aussi bien que hindous, afin de révéler à travers l’infinie variété de leurs images, la vérité d’un symbolisme universel.
Tout en usant d’une telle herméneutique, elle entend satisfaire aux exigences d’un rationalisme scientifique, digne d’un Bachelard qui, nous le savons, discernait derrière les fictions de la romancière et les beautés de ses poésies une volonté rigoureuse d’ascèse. Ici, elle s’autorise de la même rigueur pour reprendre avec liberté les célébrités actuelles du structuralisme ou de la psychanalyse, comme pour se moquer gentiment de Jacques Monod et des sornettes prétentieuses de sa Leçon inaugurale. Un prix Nobel de biologie n’est pas nécessairement un certificat de jugement sain ou de simple bon sens en matière philosophique.
Par là s’explique aussi qu’au beau milieu du livre le lecteur tombe soudain sur un chapitre tout entier consacré à une « hypothèse sur la genèse pneumopsychosomatique du cancer ». Ne faut-il point voir en cette maladie « le désespoir de la matière organique » ? Hypothèse « hardie » aux yeux même de son auteur, mais dont elle prend soin de vérifier les titres organe par organe et qu’elle appuie sur plus d’un cas de guérison spontanée, peu explicable en l’état actuel de la science sans l’intervention d’un facteur spirituel. On comprend mieux une telle hardiesse lorsqu’on voit ensuite assimilée au cancer les sourds progrès et le déchaînement violent de la révolution. Le corps social ne peut-il lui aussi être saisi d’un désespoir quasi organique ? A cette occasion, Maryse Choisy dénonce en Marcuse « le Méphisto de la jeunesse » déguisé en « maître à penser ». Car, sous les images d’Orphée et de Narcisse, si poétiques qu’elles soient, sa philosophie reste aussi infidèle à Freud qu’à Marx, ne dépassant pas un hédonisme sensuel qui ne peut mener qu’à la destruction.
De nombreux et savoureux commentaires des graffiti de mai et divers échanges (dialogues et lettres) avec tel ou tel disciple devenu « enragé » concluent ce livre sur une note à la fois pittoresque et sérieuse qui en souligne la portée. Ajoutons qu’il se lit d’une traite, tant la légèreté du style où se mêlent tous les genres et le bondissement imprévisible de la pensée qui se rit des obstacles, en rendent la lecture attachante et entraînent l’assentiment, même si telle ou telle formule abrupte étonne un instant.