Maryse Choisy filmée pendant l’annonce du prix Goncourt 1933

Dans l’histoire du prix Goncourt, le cru de l’année 1933 est particulier. D’abord, il fait suite au scandale de 1932, cette « affaire Céline » qui empeste encore la nouvelle édition puisque, depuis, Lucien Descaves, fâché, n’apparaît plus aux déjeuners Goncourt et vote par correspondance. La presse insiste unanimement sur son absence et c’est l’occasion de rappeler le scandale ; d’ailleurs, un procès est encore en cours, celui issu de la plainte de Roland Dorgelès et J.-H. Rosny aîné, qui se sont sentis diffamés par des articles sur l’affaire.
Ce qui fait surtout de ce 7 décembre 1933 un jour particulier, c’est une nouveauté : la présence du cinéma, afin de donner au Goncourt une publicité méritée. Roland Dorgelès a en effet invité, en plus de la T.S.F., une équipe de Pathé-Nathan, pour enregistrer la proclamation des résultats qui sera ensuite diffusée aux actualités filmées.
Au-delà de ces quelques faits, si pour nous l’événement est unique, c’est que sur les images filmées on remarque Maryse Choisy et que c’est, à notre connaissance, le seul document où on peut la voir en mouvements (du regard, essentiellement). Elle se trouve, sur cet extrait offert par l’INA, tout à gauche.


Dans les compte-rendus de la presse, la présence de Maryse Choisy est en effet souvent signalée. On insiste sur sa blondeur et l’or de ses ongles : « oxygénée, les ongles dorés », « les cheveux tout flambants dorés », « des ongles d’or dignes d’une danseuse cambodgienne », « parée de cheveux, d’ongles et de dents d’or » : « La présence de Mme Maryse Choisy donnait aux coulisses de cette compétition littéraire un parfum de tournoi de beauté ». C’est l’occasion de raconter une scène pittoresque où l’on voit Maryse « chercher sous la table un de ses ongles d’or, perdu dans un mouvement d’éloquence ». L’anecdote est conforme à ce qu’elle raconte elle-même dans ses mémoires (Sur la route de Dieu, on rencontre d’abord le diable, p. 208) :

En 1932, un bijoutier me fit sur mesure des ongles en or. J’étais à cette époque journaliste parlementaire et plutôt fascinée par la politique. A la Chambre des Députés, mes écailles parfois roulaient sous quelque banc de la salle des Pas Perdus, ou derrière la statue du Laocoon. Se précipiter à la recherche des ongles d’or était un sport pour mes amis. Les échos des hebdomadaires rajoutaient des histoires inventées dans les salles de rédaction. Malgré la légende qui naissait autour de mes ongles d’or, je pourrais compter sur une seule main les femmes qui les avaient adoptés.

Elle ne se contente pas d’illuminer la scène de son or. Pour expérimenter la prise de son avant l’annonce des résultats, les cameramen lui demandent de prononcer quelques paroles. La raison donnée pour cette intervention n’est pas toujours celle d’un test micro : « Comme l’atmosphère commençait à s’échauffer, les opérateurs d’actualités cinématographiques proposèrent à ces messieurs de la presse de les filmer. Il se groupèrent et Mlle Maryse Choisy prit la parole « au nom de la presse française » ». C’est à ce moment qu’un autre journaliste reçoit sur la tête un projecteur, lui enfonçant le nez dans son verre de porto. On peut féliciter Pierre-Jean Launay qui, pour Paris-Soir, a su reconnaître, en la personne de ce journaliste malchanceux Robert Desnos. Un ami de Maryse, justement.
Peut-être que cet enregistrement de Maryse faisant une déclaration n’existe plus… Heureusement, certains journalistes l’ont notée. Ainsi aurait-elle dit : « Avant le prix Goncourt, c’est un peu comme avant la formation d’un ministère, on ne sait jamais ce qui peut arriver… Enfin, je bois à la santé de celui qui va être le lauréat, et espérons que celui-là ne restera pas sur ses lauriers, à l’exemple de certains qui le précédèrent, mais qu’il ira toujours de l’avant dans sa production littéraire ». Mais, précise un autre article, « Un jeune subversif s’écria alors que tout cela était du chiqué et que le Goncourt avait de moins en moins d’importance. On le fit taire et les cinémas arrêtèrent leur enregistrement ».

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