Ce que disent leurs mains : Léon Bérard

Article paru dans L’Intransigeant du 14 juillet 1925 :

Nous publions aujourd’hui le premier article d’une série due à la plume de Mme Maryse Choisy, qui ne manquera pas de susciter une certaine curiosité, sur les mains de quelques-uns de nos plus notoires contemporains.
Française, l’auteur de ces pénétrants portraits a fait ses études de philosophie à Cambridge et a passé, à 21 ans, sa thèse de doctorat. Elle s’est d’abord spécialisée dans la publication d’un certain nombre d’études philosophiques et de science pure qui ont été fort remarquées. Elle prépare un traité de chirologie, pour lequel M. Jules de Gaultier a écrit une préface.
Elle a soumis ses travaux sur des centaines de mains à de minutieuses vérifications scientifiques. Il ne s’agit donc pas ici de fantaisies, mais d’études expérimentales aussi serrées qu’il est possible.

CE QUE DISENT LEURS MAINS

LÉON BERARD

Vénus et Mars, la contemplation esthétique et l’activité se disputent à titre égal la main de M. Bérard. Et, comme, d’autre part, le mont lunaire prédomine chez lui, son imagination est toute-puissante et lui fait désirer un idéal différent de la réalité présente. Au milieu de ses préoccupations artistiques, il souhaite la fièvre de l’action, et lorsqu’il évolue en pleine activité énergique, il rêve d’un nirvâna en beauté.
Sa main présente cette particularité curieuse et imprévue : c’est, à notre connaissance, l’unique main d’homme politique, peut-être même d’homme civilisé qui atteint les honneurs et la célébrité – et qui témoigne cependant d’une préférence marquée par le pouce droit et fier pour la volonté directe plutôt que pour les détours diplomatiques. Non pas que ces derniers lui soient impossibles, – puisque M. Bérard s’adapte facilement aux personnes et nullement, il est vrai, aux circonstances, – mais la ligne indirecte lui semble ennuyeuse et superflue.
Une susceptibilité intense, mais toujours soigneusement refoulée, une sensibilité orgueilleuse et délicate qui exige plus d’affection qu’une créature terrestre n’en peut donner, une grande indépendance d’esprit et de vouloir, une intelligence subtile, une rêverie fastueuse, une préoccupation inquiète des problèmes philosophiques, une énergie calme et cependant variable dans ses manifestations, tels sont les traits de cette double nature d’artiste et d’homme politique.

Maryse Choisy