1903 : naissance de Maryse Choisy

UNE NAISSANCE MYSTÉRIEUSE

C’est le 1er février 1903 (ou 1901) que Maryse Choisy serait née, à Saint-Jean-de-Luz.
Elle n’a pas connu ses parents.

« Je n’ai jamais connu ni mon père ni ma mère. « Ils sont morts  », disait vaguement tante Anna. « Comment étaient-ils ?  » semblait une question aussi tabou que : « D’où viennent les bébés ?  » ou « Qu’est-ce que la guerre ?  » […] Peut-être mon père et ma mère n’étaient-ils pas morts, après tout ?
Peut-être une méchante sorcière nous avait-elle seulement séparés ?
Peut-être me cherchaient-ils comme je les cherchais ? »[1]

Cette douloureuse absence lui fit aussi écrire : « J’ai mal à ma mère.  » [2].
Quelques-uns ont pu supposer que la tante Anna de Brémont était sa véritable mère. Maryse Choisy elle-même, dans ses mémoires, a pu le suggérer, par le non-dit, quand elle relate ce que Freud lui apprit : «  Ça s’est passé quand vous étiez au berceau. Votre mère a fui pour cacher son pedigree et sa honte. Vous êtes une enfant illégitime. », « Demandez à votre tante ». Celle-ci, mourante, se contenta de lui répondre : « Eh oui, Freud a raison. Tu es un peu enfant naturelle… » et « Ce qui importe, ce n’est pas la naissance, c’est la mort. Le cercueil fait le berceau. » [3]
Il semble qu’à la naissance de Maryse Choisy et jusqu’en 1951 aucun acte n’ait été dressé. C’est seulement en 1950, pour l’inscription de Maryse Choisy sur les listes électorales, qu’une enquête à ce sujet est lancée. Son acte de mariage en 1939 paraît aux enquêteurs être alors la seule pièce officielle mentionnant sa date et son lieu de naissance : le 1er février 1903 à St Jean de Luz. La justice se demande alors comment elle a pu jusque-là suppléer à ce défaut, non seulement pour son  mariage et sa carte d’électrice, mais aussi pour ses cartes d’identité, d’alimentation et pour ses dossiers universitaires… : « A-t-elle fait, à un moment quelconque, établir un acte de notoriété ? Où et quand ? A-t-elle des frères et sœurs ? Quels sont leurs nom et adresse ? Les père et mère vivent-ils encore ? Où ? Connaît-elle les nom et adresse de témoins susceptibles de nous fournir tous renseignements utiles sur sa naissance et sa filiation ? »
On apprend alors que si elle a pu se marier en l’absence d’acte de naissance, c’est grâce à une lettre d’une dame Marion veuve Dubois, dans laquelle celle-ci avait reconnu sa maternité, non avouée jusque-là pour des « raisons de famille »… Malheureusement, Julia Dubois, née en 1870, est décédée depuis 1949.
Maryse Choisy, de son côté, déclare ignorer ses dates et lieu de naissance ainsi que l’identité de ses parents…
Finalement, le Tribunal de Bayonne, décide que, puisqu’il « importe que toute personne ait un état civil et que l’ordre public y est intéressé », il faut établir que Maryse Choisy est née le 1er février 1903 à St Jean de Luz. [4]

Un autre document officiel, antérieur à l’acte de mariage, aurait pu être consulté : l’acte de naissance, en 1932, de la fille de Maryse. Chose étrange, la date de naissance de Maryse y est différente : le 1er février 1901. On peut donc supposer que Maryse Choisy a tenté, à partir de 1939, de se rajeunir. Sa précocité dans ses apprentissages d’enfant et dans ses études, telle qu’en rendent compte ses mémoires, serait alors à relativiser.

 

NOTES

[1] Maryse Choisy, Mes enfances, éditions du Mont-Blanc, 1971, pp. 73-74

[2] Maryse Choisy, Problèmes sexuels de l’adolescence, Aubier, éditions Montaigne, collection « L’Enfant et la Vie », 1954, p. 14. Le pédopsychiatre Michel Lemay a emprunté à Maryse Choisy cette formule pour le titre d’un de ses ouvrages, aux éditions Fleurus, collection « Pédagogie psychosociale », en 1979.

[3] Maryse Choisy, Mes enfances, op. cit., pp. 233-236.

[4] Dossier 1279 W 15 du jugement du 27 juillet 1951 par le Tribunal de grande instance de Bayonne, Archives départementales des Pyrénées-Atlantiques.